LA MIEL ET LA BIBLIOTHÈQUE ANGLOPHONE ACCUEILLENT
EUGÈNE SAVITZKAYA
JEUDI 12 MAI 2016 A 19 HEURES
A LA BIBLIOTHÈQUE ANGLOPHONE D'ANGERS
EUGÈNE SAVITZKAYA
JEUDI 12 MAI 2016 A 19 HEURES
A LA BIBLIOTHÈQUE ANGLOPHONE D'ANGERS
Eugène Savitzkaya : tracer la chair du monde
« Je renonce à la saveur immédiate, au miel,
au sucre, au vin. Sous le cerisier, je persiste.
Sous le prunier, je meurs. Que la levure soit
ma dernière nourriture avec le lait dont mon
corps est gorgé. Je suis le roi du fumier, hur-
Eugène Savitzkaya est de ceux qui « avant Michon, Bergounioux ou Echenoz, (…) a inventé notre littérature contemporaine. » (Johan Faerber[2]).
Des
terres limoneuses de l'Hesbaye, en moyenne Belgique, où il a vécu sa
jeunesse, est née une écriture organique, épaisse, putrescible. Dans
cette campagne charnelle, l’adulte nous conte l’adolescent qu’il fut
là-bas, menant son parcours initiatique à travers vergers, champs et
bois…cheminement d’où sourd une nature généreuse, fruit d’un été
solaire, alors qu’exhalent les odeurs de fumiers, de citernes, de
foins…et que sa mère, dans la chambre de la maison familiale, est en
train de quitter ce monde. (voir « Mentir », « Fraudeur »[3])
« Si
je pense à ce qu’était mon enfance, j’ai des souvenirs de pourriture,
d’immobilité. La plupart des souvenirs qui me restent ne sont pas très
agréable, pourtant je sentais que j’avais une grande force, que
j’existais très fort. Quand je jouais, c’était toujours seul. Je n’avais
besoin d’aucun matériel particulier, je vivais des aventures
constamment, des aventures minuscules…. »[4]
Comme
il le dit lui-même, ses livres naissent la plupart du temps « des
activités diverses de [ses] journées, d’une sorte de tamisage du
quotidien [5]».
Le récit se construit, petit à petit par bribes, assemblage de briques
comme les acides aminés composent l’ADN humain et codent l’individu, son
récit, son destin sans doute. Les phrases auront été au préalable
scandées : l’écrivain est grand amateur de poésie sonore, mais aussi de
Tarkos, Stefan…et aime à rappeler que lorsqu’il commença à écrire, il
avait grand plaisir à dire à voix haute ses textes écrits parfois la
veille. Cette musicalité première, avant que l’écriture ne déforme la
première inscription, les premières phrases, le premier rythme est
toujours sonore[6]. Ainsi dans ses deux recueils « Bufo, bufo, bufo » et « Cochon farci »[7], les mots s’amalgament ou s’égrènent, et le paysage s’installe dans une matière justement vibrante, mouvante.
Si j’avais de l’appétit, écarlate, éternuant,
je mangerais l’ogre qui dort dans ma maison,
qui remue, troue les cloisons, éclabousse, cœur,
quartier de bête, taureau qui dévore mes fleurs,
déplaçant le soleil, de boue, d’ordures rempli,
de parfum chargé qui suce les os, qui bavarde,
qui montre dans le printemps, dans la nuit, ses dents
et sa poitrine, qui mélange le farines, les essences
Mais avec « A la cyprine », son dernier recueil paru[9],
les poèmes se font presque chansonnettes, aventures linguistiques, mais
simples. « Je clos un recueil, quand l’écriture change radicalement, ou
commence à changer. »[10]… On le voit, Eugène Savitzkaya continue d’inventer notre littérature.
Alain Chiron
[4] Cité par le site www.waremme.be, à l’occasion d’une rencontre littéraire à la bibliothèque Pierre Perret, 29 avril 2016
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